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Cultures et sociétés mésolithiques en France

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  • Chapitre1
    Le Mésolithique en France, d’hier à aujourd’hui
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3 Les cadres chronologiques et culturels

 

3 Les cadres chronologiques et culturels

On divise généralement le Mésolithique français en trois ou quatre grandes étapes caractérisées chacune par des assemblages bulle...lithiques spécifiques. Les phases ancienne et moyenne couvrent la fin du Xème, le IXème et le VIIIème millénaires avant notre ère (voire un peu au delà). Les phases récente et finale, pas toujours formellement distinguées l’une de l’autre, concernent le VIIème et le VIème millénaires, éventuellement la première moitié du millénaire suivant, dans les zones où le Néolithique arrive tardivement. Les expressions de « premier » et « second » Mésolithiques sont de plus en plus souvent usitées pour regrouper deux à deux ces différentes étapes : cette proposition offre l’avantage de souligner le fait majeur que constitue l’apparition des trapèzes, sans préjuger par ailleurs de ce qu’ont pu être les scénarios (rupture ? continuité ?) de passage de l’un à l’autre.   

 

3.1 Caractères généraux

Pour la phase la plus ancienne, on reconnaît trois grandes traditions culturelles, éventuellement divisées en groupes régionaux : l’épi-Ahrensbourgien, qui touche la frange nord-ouest du pays (Ducros, 1999) ; le Beuronien, tel que défini par S.K. Kozlowski (1984) qui concerne le reste du Bassin parisien ; au sud, le Sauveterrien (Valdeyron, 1994). Les limites entre ces grandes provinces fluctuent peu au cours du temps, bien que les situations ne soient pas identiques : les vallées de la Seine et de la Marne semblent ainsi marquer une véritable frontière, alors que la vallée de la Loire constitue une sorte de zone tampon, plus perméable. Durant la phase moyenne, l’aire d’extension du Beuronnien se contracte, prise en tenaille entre des remontées sauveterriennes, des incursions depuis le sud de l’Angleterre (qui n’est pas encore tout à fait une île), ainsi que des descentes septentrionales du groupe Rhin/Meuse/Escaut (Ghesquière et Marchand, 2010). La fin de la période, marquée par le développement des trapèzes selon des rythmes qui commencent juste à être précisés (Perrin et al., 2010), résiste encore à une présentation rapide qui ne soit pas (trop) simplificatrice. La relative simultanéité d’apparition de ces bulle...armatures pourrait donner l’illusion d’une grande homogénéité culturelle : en fait, la diversité des styles suggère un important morcellement en entités stylistiques distinctes, même si la rapidité avec laquelle le phénomène se manifeste traduit aussi la forte perméabilité et l’importante réceptivité culturelles de ces groupes du second Mésolithique.

 

Les phases ancienne et moyenne se caractérisent par des panoplies d’armatures géométriques (triangles ou segments), dominantes dans le Sauveterrien où elles sont souvent hypermicrolithiques, et/ou diverses variétés de pointes à base retouchée ou non, composante majoritaire dans le Beuronien comme dans l’épi- Ahrensbourgien (diapo)Les principaux foyers du Néolithique dans le monde

. Ces industries se marquent par la rareté des productions bulle...laminaires, l’objectif du débitage étant des lamelles peu épaisses et relativement courtes, voire des éclats lamellaires, supports privilégiés des différents types d’armatures. Ce débitage, plutôt unipolaire, fait appel à la percussion directe tendre, souvent à la pierre. Longtemps considéré comme techniquement peu élaboré, il assure en fait une optimisation des rendements, tout en limitant la dépendance par rapport aux matières premières, les exigences en terme de module comme d’aptitude à la taille étant assez réduites. Les armatures sont obtenues fréquemment en utilisant la bulle...technique du microburin pour fractionner le support, un bord abattu ou une troncature achevant le façonnage. Les outils classiques du fonds commun (grattoirs, perçoirs …) sont souvent moins bien représentés que les armatures : il n’existe aucune règle stricte cependant et les pourcentages respectifs peuvent varier considérablement selon la spécialisation fonctionnelle des gisements … ou la qualité du tamisage ! L’outillage sommaire sur éclat ou lamelle, dont les retouches résultent davantage d’une activité que d’un façonnage intentionnel, est par contre mieux attesté. Une composante originale apparaît durant la phase moyenne dans certains groupes du Bassin parisien. Il s'agit d'un outillage plutôt massif, présent sous forme d’outils à tranchant distal comme à Auderville dans la Manche où de véritables tranchets en silex côtoient des galets de grès au tranchant poli (Ghesqiuère et al., 2000), ou sous forme d’outils prismatiques, longtemps interprétés comme des pics. Ces derniers caractérisent le Montmorencien, considéré jusqu’ici comme un faciès d’atelier : des travaux récents ont montré que ces pièces n’étaient pas des pics (elles ont par contre pu servir d’enclume) et qu’elles se rencontrent également en contexte d’habitat (Griselin, 2010).

 

Les phases récentes et finales sont encore imparfaitement connues. Dans les zones où cette partition a pu paraître pertinente (par exemple, l’Est ou le Sud-Est), la phase récente, qui débuterait dans la première moitié du VIIème millénaire, verrait l’apparition de trapèzes symétriques à retouches abruptes. Le Mésolithique final, qui se développerait durant le VIème millénaire, enregistrerait la disparition progressive des trapèzes symétriques à troncature rectiligne, remplacés par des trapèzes asymétriques, à troncatures concaves, accompagnés de diverses variétés de pointes triangulaires, portant des retouches inverses ou rasantes directes (pointes « bâtarde » du Cuzoul, de Gazel, de Bavans …) (diapo)Les principaux foyers du Néolithique dans le monde

. Cette vision classique (Thévenin, 1995) ne semble pas compatible avec toutes les situations observées : c’est le cas notamment pour l’Ouest (Marchand et Ghesquière, 2010), le Sud-Ouest (Valdeyron, 2008) ou encore le Jura (Perrin, 2010). Le renouvellement de la gamme des armatures, quelle que soit la façon dont il s’est opéré, s’est accompagné d’une transformation radicale des débitages : désormais, c’est la lame prismatique régulière qui s’impose, débitée en percussion indirecte au bulle...chasse-lames (voire à la pression). Cette technique nouvelle, identifiée sous des appellations diverses (débitage type Montbani dans le Bassin parisien, type Montclus dans les Midis) signe-t-elle une rupture culturelle majeure dans la séquence mésolithique, impliquant en particulier des déplacements de populations ? Certains l’ont cru, y voyant notamment la conséquence de l’impact des néolithisations plus orientales qui auraient de proche en proche bousculé les substrats indigènes en les remplaçant par d’autres groupes. Les positions actuelles, qui bénéficient d’une meilleure maîtrise de la chronologie et des scénarios qui peuvent en découler, conscientes également de la fragilité de certaines données factuelles, sont nettement moins catégoriques (Perrin et al., 2009). Le fonds commun voit l’apparition de lames encochées ou denticulées portant une retouche très irrégulière (la fameuse retouche Montbani), lames qui semblent impliquées dans le traitement de matières végétales.

 

L’outillage en matière dure animale est généralement peu abondant, sauf parfois en contexte funéraire. Dans les habitats, sa présence semble répondre à un certain gradient chronologique, les gisements occupés durant le second Mésolithique livrant en règle générale un matériel plus abondant. Cet outillage, parfois de belle facture mais souvent peu élaboré se compose, pour l’essentiel, de poinçons en os poli ou en défense de sanglier, de pièces à biseau en bois de cervidés et de lissoirs en os, parfois décorés comme peuvent l’être ceux retrouvés dans les niveaux sauveterriens de Rouffignac ou sur le site de Noyen-sur-Seine. Quelques pièces plus originales, au moins dans le contexte français, s’ajoutent à ce bref inventaire : stylets décorés des bulle...nécropoles de Téviec et d’Hoëdic, poignard en os de Beg-er-Vil, aiguille à chas et harpon en bois de cerf de l’Abeurador, pointe barbelée en os de Béthune, pic ou pioche du Cuzoul de Gramat, hache non perforée en bois de cerf de l’abri des Cabônes, haches et gaines en bois de cerf de la Somme.

 

Pour les objets de parure, il est possible d’identifier de grandes tendances générales, qui transcendent les découpages géographiques et chronologiques. L’os, les dents, les coquillages et la pierre sont, parmi les matériaux qui se sont conservés, ceux qui ont été le plus souvent utilisés. Les dents animales, perforées ou simplement rainurées, sont relativement fréquentes : canines ou incisives de cerf, lames d’ivoire tirées de défenses de sanglier, sont les plus nombreuses. On connaît également quelques dents humaines perforées, à la grotte des Fieux (Lot) ou dans l’abri des Cabônes (Jura) par exemple. Les parures en coquillages, marins ou bulle...lacustres, fossiles ou non, sont également très appréciées : Dentalium et surtout Columbella rustica dans les Midis, alors que le nord et l’est de la France connaissent une plus grande variété, avec des sources d’approvisionnement éventuellement très lointaines. Relativement rares en contexte d’habitat, ces éléments de parure sont par contre plus nombreux en contexte funéraire.

 

Manquent à cet inventaire des éléments de la bulle...culture matérielle tous les objets en matière périssable, qu’il s’agisse de matières d’origine animale ou végétale, très rarement conservés dans les gisements mésolithiques français du fait de conditions sédimentaires peu favorables. Quelques découvertes exceptionnelles (pirogues en pin, nasses) réalisées dans le lit de la Seine en amont de Paris (Noyen-sur-Seine et Nandy), témoignent cependant de l’usage probablement très fréquent de ces matériaux et incitent à relativiser l’importance accordée, dans la perception de l’identité culturelle des différents groupes, aux industries bulle...lithiques et osseuses.