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Cultures et sociétés mésolithiques en France

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  • Chapitre1
    Le Mésolithique en France, d’hier à aujourd’hui
  • Historiographie

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  • Chapitre5
    L’habitat sous toutes ses formes
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1 Le Mésolithique en France, d’hier à aujourd’hui

 

 

Oublié à la fin du XIXème siècle lors de l'historique bataille du bulle...hiatus (il est pourtant présent au Mas d'Azil comme à La Tourasse, mais l’absence de tamisage ne permet pas de l’y reconnaître), conçu ensuite au mieux comme un prémisse très court du Néolithique, le Mésolithique ne s'impose sur la scène de la Préhistoire française que dans les années 1920/1930. Si E. Octobon consacre dès 1922 de très nombreux articles à la « Question tardenoisienne », la première contribution véritablement décisive est celle de St-J. Péquart, qui explore en famille les bulle...nécropoles bretonnes de Téviec (1929) et d’Hoëdic (1931). La complexité des architectures funéraires, la richesse des dépôts, le nombre même de sépultures (Péquart et al., 1937 ; Péquart M. et St.-J., 1954), tout cela apporte en effet la preuve d’une organisation sociale élaborée et témoigne de la richesse de l’univers symbolique des populations mésolithiques. Sensiblement au même moment, l’exploration par L. Coulonges des gisements de Sauveterre-la-Lémance dans le Lot-et-Garonne (l’abri du Martinet et celui du Roc Allan, publiés en 1936) et celle du Cuzoul de Gramat (Lot) par R. Lacam (publiée seulement en 1944) marquent également un tournant essentiel. Ces gisements stratifiés, en démontrant sa position intermédiaire entre Paléolithique et Néolithique, offrent au Mésolithique sa véritable place dans la chronologie générale de la Préhistoire française. Mieux encore, l’analyse critique des industries bulle...lithiques issues de différents niveaux superposés confère, pour la première fois, de l’épaisseur chronologique à cette séquence mésolithique. Coulonges identifie ainsi une phase ancienne, caractérisée par la présence d’bulle...armatures microlithiques triangulaires et rapportée à une bulle...culture qu’il dénomme Sauveterrien, et une phase plus récente, marquée par le développement des trapèzes, qu’il intègre dans le Tardenoisien, reconnu pour sa part depuis la fin du siècle précédent. Compte tenu de la progression des connaissances durant ces deux décennies, on aurait pu s’attendre à ce que les études mésolithiciennes connaissent ensuite un véritable essor : il n’en est rien et c’est au contraire une vision assez misérabiliste de la période qui s’impose ensuite, reposant à la fois sur une certaine méconnaissance des productions matérielles et sur une appréciation péjorative d’un mode de vie supposé très précaire. Il n’est pas étonnant, dès lors, que l’effort de bulle...sériation culturelle se limite pendant longtemps à une bipartition simpliste, opposant dans une double perspective chronologique et culturelle Sauveterrien et Tardenoisien, davantage perçus comme des « civilisations » que comme des bulle...cultures régionales (voir notamment Barrière, 1956).

 

Cette difficulté à rendre compte de la diversité des bulle...cultures mésolithiques n’est véritablement réglée qu'avec l'adaptation des principes statistiques de la bulle...méthode Bordes. Le mérite en revient, sans négliger quelques précurseurs (Daniel et Vignard, 1953 ; Laplace-Jauretche, 1954), au docteur J.G. Rozoy, qui élabore une liste type autorisant pour chaque ensemble les décomptes cumulatifs et la présentation d'une courbe (1967). Son monumental ouvrage de synthèse, publié une dizaine d'année plus tard (1978), constitue une sorte de couronnement de la méthode typologique. A partir d’une analyse détaillée des industries de pierre, J.G. Rozoy propose le premier vrai modèle d’organisation chrono-culturelle du Mésolithique franco-belge. Il admet de nombreuses entités, couvrant chacune une superficie réduite (de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de km²) et respectant un principe de stricte partition géographique. Ainsi le Tardenoisien, qui ne concerne plus qu’une petite partie du nord-ouest de la France, comme le Sauveterrien, limité quant à lui à l’Aquitaine occidentale, deviennent de simples groupes régionaux évoluant en continu jusqu’à l’intrusion du Néolithique, la phase à trapèzes succédant sans rupture à la phase à triangles. L’oeuvre de J.G. Rozoy ne se limite pas cependant à l’organisation d’un paysage culturel jusque-là très chaotique : en s’intéressant également aux modes de vie, à l’économie alimentaire ou à la sphère symbolique, il oriente résolument les études vers une approche palethnologique de ces sociétés, angle de vue jusque-là le plus souvent négligé pour le Mésolithique.

 

Depuis 1978, le renouvellement de la documentation et des idées a favorisé l’émergence de modèles alternatifs et encouragé, à côté des travaux dédiés aux approches culturalistes, d’autres voies d’investigation. La première remise en cause du bulle...modèle Rozoy apparaît avec la théorie du cycle roucadourien (Roussot-Larroque, 1985). La succession triangles/trapèzes est vue comme le résultat d’une rupture culturelle majeure dans la séquence mésolithique et l’apparition des bulle...armatures évoluées du sud-ouest de la France inscrite dans un processus de néolithisation autonome, transgressif sur le fonds indigène sauveterrien et indépendant de la Méditerranée occidentale. Si personne ne conteste aujourd’hui l’importance de l’apparition des trapèzes, derrière lesquels se cache en fait un bouleversement de l’ensemble du sous-système technique lithique, on s’interroge encore cependant sur la nature exacte des scénarios à l’œuvre et ni les modalités ni les rythmes de passage de l’un à l’autre, d’ailleurs différents selon les régions (Perrin et al., 2010), ne sont vraiment connus. Quant à l’idée d’une néolithisation autonome sans lien avec le monde méditerranéen, qui à la suite des travaux de J. Roussot-Larroque a séduit un temps quelques aventureux, elle est désormais rejetée sans appel. La seconde remise en cause du bulle...modèle Rozoy conteste le compartimentage culturel envisagé pour le sud de la France, où trois groupes distincts (i.e. Sauveterrien classique, Groupe des Causses et Montclusien) avaient été reconnus. Au milieu des années 80, la fouille par M. Barbaza de l’abri de Fontfaurès (Lot) démontre en effet que ce découpage n’est pas valable (Barbaza et al., 1991) et qu’il n’y a en réalité que des faciès chronologiques ou fonctionnels d’une seule et même tradition culturelle, celle du Sauveterrien. Celui-ci retrouve du coup son statut de « méta-culture » méridionale (Valdeyron, 1994). Dans la foulée, paraissent les premières cartographies dynamiques des territoires stylistiques établies à partir des bulle...armatures (Thévenin, 1990, 1991), qui aboutissent elles aussi à l’identification de provinces culturelles assez vastes. Enfin, alors que le développement de l’archéologie préventive dans les années 90 permet un renouvellement sans précédent de la documentation, la pertinence du bulle...modèle Rozoy est à nouveau interrogée dans des secteurs où elle n’avait pas encore été testée, l’analyse technologique étant désormais combinée à l’approche strictement typologique : plutôt confirmée en Bretagne (Marchand, 1999) et dans l’est de la France même si des changements notables sont apportés au schéma initial, elle est par contre davantage contestée dans le nord du pays, où le modèle trouve à nouveau ses limites (Ducrocq, 2001 ; Souffi, 2004), comme dans la vallée du Rhône (Perrin, 2001). Dépassant ces nécessaires mais souvent fastidieuses questions, les deux dernières décennies ont permis par ailleurs d’initier des pistes jusque-là négligées (Ghesquière et Marchand, 2010) : le thème du territoire et de son exploitation occupe désormais une place centrale dans les réflexions, appréhendé sous l’angle de l’acquisition et de la circulation des matières premières, ou sous celui des formes de mobilité, en lien avec la caractérisation fonctionnelle des habitats. Les conditions semblent enfin réunies pour que soit donnée au Mésolithique la place qui lui revient (Valentin, 2008).