Cultures et sociétés mésolithiques en France

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    Le Mésolithique en France, d’hier à aujourd’hui
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6.1 Pratiques funéraires

Sépulture A de Téviec (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan), <br>photo Didier Descouens (licensed under CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons)

Sépulture A de Téviec (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan),
photo Didier Descouens (licensed under CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons)

 

Longtemps limitée à des découvertes anciennes (Téviec et Hoëdic, le Cuzoul de Gramat …), la documentation a été sensiblement renouvelée ces dernières années, si ce n’est en quantité (on connaît une trentaine de sites funéraires, une cinquantaine de tombes et une centaine d’individus), du moins en qualité. Comme partout en Europe occidentale, le fait majeur est sans conteste l’apparition des bulle...nécropoles, généralement installées au sein même des habitats : quel que soit le phénomène qu’elles traduisent (essor démographique, sédentarité relative ou mobilité réduite …), elles marquent une profonde évolution par rapport au Paléolithique. Pour autant, les sépultures isolées ne sont pas absentes, loin s’en faut : elles constituent même la part la plus importante du corpus, qu’il s’agisse de découvertes anciennes (Le Cuzoul de Gramat, le Poëymau …) ou récentes, comme celles retrouvées ces dernières années sur cinq sites d’Île de France (cf. infra). Le plus grand éclectisme règne dans le domaine des pratiques funéraires, la dispersion tant géographique que chronologique des données ne facilitant pas la perception de certaines récurrences qui pourraient avoir valeur de généralité. Il en est quand même une qui ressort nettement : au sud d’une ligne Royan/Mulhouse, toutes les sépultures connues sont en grotte ou en abri, aucune ne provient d’un gisement de plein air ; au nord, c’est exactement l’inverse. Ce constat, qui recoupe en partie celui fait pour les habitats, renvoie d’abord peut-être à des contingences géologiques : on ne peut exclure cependant qu’il ait aussi une certaine valeur culturelle. Les différences dans le traitement des morts s’établissent à plusieurs niveaux : on connaît des inhumations, simples, multiples, éventuellement même collectives, qui peuvent être primaires ou secondaires. On connaît également depuis peu des cas de crémation (Ruffey, Concevreux). La variabilité touche également l’organisation et la composition du dépôt sépulcral, l’architecture funéraire. Enfin, ces sépultures peuvent être isolées, en contexte d’habitat ou dans un lieu à fonction exclusivement sépulcrale, ou regroupées en véritables bulle...nécropoles.

 

Bien qu’explorées dans les années 30 par les époux Péquart, les bulle...nécropoles bretonne de Téviec et d’Hoëdic, toutes deux installées au cœur d’un amas coquillier, constituent aujourd’hui encore deux des sites mésolithiques les plus célèbres de France. Dans les deux cas, il y a plusieurs tombes (10 à Téviec, pour 23 individus, 9 à Hoëdic, pour 14) qui ont apparemment fonctionné comme des sépultures collectives, ainsi que tendent à le montrer les remaniements successifs dont elles semblent avoir fait l’objet. Les cadavres étaient disposés assis ou allongés sur le dos. L’architecture des tombes associe creusement en fosse, bordure constituée par des pierres plantées de chant et couverture par des ramures de cervidés, qui participaient autant au système de fermeture qu’au dépôt funéraire. Celui-ci était constitué d’éléments de parure en coquillages marins (Trivia monacha pour les hommes, Littorina obtusata pour les femmes), de grands poinçons en os, dont certains étaient décorés, auxquels s’ajoute de l’industrie lithique. La signification sociale des dépôts, déjà évoquée par Péquart, est également interrogée dans des travaux récents (Schulting, 2003). Une différenciation sociale basée sur l’âge et le sexe est jugée très probable, certains indices suggérant par ailleurs une possible hérédité des statuts. Par ailleurs, un réexamen récent (Cap-Jédikian, 2011) de la sépulture A de Téviec, interprétée jusqu’ici comme une sépulture double contenant un homme et une femme, a montré qu’il s’agissait, en fait, de deux jeunes femmes. Toutes deux semblent être décédées de mort violente, comme le suggèrent certaines fractures caractéristiques observées sur leurs boites crâniennes, l’une d’entre elles ayant sans doute été également touchée au visage par une flèche. Au-delà des interrogations ponctuelles sur les conditions particulières qui ont pu mener à la constitution de ce dépôt original – raids guerriers ? exécutions ? sacrifices ? – ces observations témoignent, une nouvelle fois (Guilaine et Zammit, 2001), de l’existence d’une certaine violence dans les sociétés mésolithiques, finalement assez proches de ce point de vue des sociétés néolithiques qui vont leur succéder.      

 

Découverte en 1995, la bulle...nécropole de La Vergne (Saint-Jean-d’Angély, Charente-Maritime) n’a pu être explorée que sur une surface réduite et si aucun lien avec un habitat n’a été établi, cette donnée n’est en réalité pas assurée (Duday et Courtaud, 1998). Quatre sépultures, datées du Mésolithique ancien, ont été retrouvées, dont trois seulement étaient bien conservées. Elles montrent une certaine homogénéité des rituels. Les cadavres ont été déposés en pleine terre, en une seule fois, dans des fosses de profondeur variable. Des dépôts d’ocre, de l’outillage en pierre (dont des couteaux), des dents de canidés perforées ainsi que de très nombreuses coquilles marines perforées et colorées étaient associées aux défunts. Dans le détail, une grande variabilité de traitement a été reconnue : il existe des dépôts primaires, mais également des dépôts secondaires, intervenus après crémation du défunt ; certains cadavres avaient été déposés en position assise, genoux fléchis, d’autres allongés sur le côté gauche, alors qu’un jeune enfant reposait sur le ventre en position contractée. Des chevilles osseuses d’aurochs étaient présentes dans deux des trois tombes, remplacées dans la troisième par une ramure de cervidé. Le gisement du Parc du Château, à Auneau (Eure-et-Loir) a livré plusieurs sépultures individuelles appartenant à une petite bulle...nécropole datée de la fin du Mésolithique (Verjux, 1999). Une sépulture plus ancienne pourrait traduire la permanence sur le temps long de la fonction funéraire du gisement. Les positions des corps sont très variables : individu déposé, en position contractée, sur un dallage de pierres  ou placé sur le dos, membres inférieurs repliés pour les deux sépultures les plus récentes ; individu enterré en position assise, le dos calé contre la paroi de la fosse sépulcrale pour la plus ancienne. Le mobilier funéraire est peu abondant et peu spectaculaire : fragment de poinçon en os, éléments de parure en coquillage, lames de silex. A côté de ces véritables bulle...nécropoles, d’autres sites, comme celui du Petit Marais de la Chaussée-Tirancourt, livrent des informations plus difficiles à interpréter : au cœur de l’habitat, deux fosses ont été découvertes, l’une remplie des restes incinérés de trois personnes, l’autre, les restes complets, mais disposés en fagot après décharnement, d’un autre individu (Ducrocq et al. 1996). Dans la grotte des Perrats, les ossements humains d’au moins huit individus, adultes et enfants, ont été retrouvés. Ils ne proviennent pas d’une structure funéraire mais témoignent clairement de pratiques cannibales : fracturés pour récupérer moelle et cervelle, ils reposaient sur un sol archéologique mêlés à d’abondants restes de faune, de nombreuses traces de dépeçage et de décarnisation ayant été relevées (Boulestin, 1999).

 

Pour compléter cet inventaire des gisements récemment explorés, évoquons des sépultures isolées qui ont, elles aussi, contribué à renouveler les connaissances et la réflexion. C’est le cas avec la crémation identifiée sur l’habitat de Ruffey-sur-Seille. Datée du Mésolithique moyen, elle se présentait sous la forme d’un petit amas d’os brûlés, auxquels étaient associés une petite boule d’ocre et un éclat de silex. L’étude des restes d’ossements a permis de déterminer qu’il s’agissait d’un adulte. Les sépultures isolées retrouvées en Île de France (Rueil-Malmaison, Maisons-Alfort, Mareuil-lès-Meaux, Neuilly-sur-Marne et Melun) s’étalent sur une assez longue période, entre 8200 et 6500 cal BC. Il s’agit de bulle...dépôt primaire individuel, d’adulte ou d’enfant, très simples (pas d’aménagement particulier de la fosse, pas d’ocre ni parure), le corps étant toujours en position contractée, assise ou allongée (Valentin, 2010).