Cultures et sociétés mésolithiques en France

plus
  • Chapitre1
    Le Mésolithique en France, d’hier à aujourd’hui
plus
plus
plus
plus
  • Chapitre5
    L’habitat sous toutes ses formes
  • L’habitat

plus
icône image
  • document pdf
    Téléchargez le cours

5 L’habitat sous toutes ses formes Habitats

grotte_fontainebleau


Scènes de vie sur un habitat de plein air

 

Les données sur l’habitat sont disparates, selon les régions comme selon les périodes. Côté chronologie, notons que les sites du premier Mésolithique sont sensiblement plus nombreux, notamment dans le sud. Là, c’est l’habitat en abri naturel qui est le mieux connu, même si les travaux récents (La Pierre-Saint-Louis, La Grange, Al Poux, Camp Jouanet …) ont corrigé le déficit initial : sans être aussi bien attesté que dans le Bassin parisien où il est la règle, l’habitat de plein air y est maintenant bien représenté. Dans le sud encore, les gisements sont souvent de petite taille : les grands sites couvrant plusieurs milliers de m² et livrant des dizaines de milliers de vestiges y sont presque inconnus, contrairement à ce qui se passe dans le nord du pays. Cette différence est-elle le résultat de dispositifs sédimentaires particuliers, liés notamment à la proximité d’un cours d’eau, qui auraient, dans le nord, favorisé la constitution de « grands » sites par adjonction progressive de « petits » sites, comme cela a pu être démontré à Warluis, ou aux Closeaux ? Ou faut-il y voir le signe d’une morphologie sociale différente, avec des groupes plus souvent dispersés en petites bandes mobiles dans le sud, et regroupés en entités plus importantes et plus stables dans le nord ? Peut-on y voir aussi, pourquoi pas, la conséquence de stratégies différentes d’exploitation des ressources (les uns plus « collectors », les autres plus « foragers »), aboutissant à des fonctions de sites (halte de chasse, camp de base, bulle...site d’agrégation …) contrastées ? Autant de pistes que les travaux les plus récents s’efforcent de suivre et pour lesquelles la caractérisation systématique des registres d’activités par la bulle...tracéologie semble être, entre autres voies d’investigation possible, une clé très prometteuse.

 

Quel que soit le type de gisement les travaux révèlent régulièrement des nappes de vestiges, souvent sans organisation évidente. Elles correspondent, pour nombre d’entre elles, à des épandages de cendres, de charbons et de pierres, résultant de la vidange ou de l’entretien de foyers, auxquels se mêlent éventuellement d’autres vestiges de nature (pierre, os, coquillages …) et de statut (outils, déchets …) divers. En grotte ou en abri, où les conditions de sédimentation sont les plus favorables, ces nappes apparaissent souvent sous la forme de fines lentilles superposées, qui traduisent une fréquentation répétée des gisements selon des durées variables mais éventuellement très courtes. Les accumulations de plein air relèvent peut-être aussi de ce type de fonctionnement, mais il est souvent malaisé de le démontrer. Les aménagements les plus fréquents sont les structures de combustion : foyer simple, à plat ou en légère cuvette, foyer structuré à remplissage de pierres, foyer à bordure de pierres, sole … Une grande diversité de type existe, qu’il n’est d’ailleurs pas toujours facile d’expliquer : le site de l’Essart est tout à fait représentatif de ces questionnements (variations fonctionnelles ? autres ?) et des biais méthodologiques (analyses micro-morphologiques, expérimentations) que l’on peut aujourd’hui emprunter pour essayer de les résoudre (Marchand et al., 2009 b). Des fosses plus ou moins profondes (fosse de stockage, structure de calage ou de maintien…) complètent régulièrement le dispositif observable  (Verjux, 2004). Plus rares sont les dallages et autres aménagements du même style : aux Escabasses, une surface d’une dizaine de m² couverte par de petites dalles calcaires a été dégagée dans un niveau du Sauveterrien moyen ; au Fieux, la topographie initiale, en forte pente, a été régularisée par un important talutage d’argile. Au Mannlefelsen, une digue en pierre, installée pour repousser l’eau d’un petit ruisseau, a été reconnue. Sur le même gisement des alignements de trou de piquets ont été interprétés comme les restes possibles d’une palissade.

 

Dans la plupart des cas et faute d’un enregistrement sédimentaire suffisant ou bien conservé, la lisibilité des sols archéologiques reste limitée et la perception de l’organisation d’ensemble, y compris par l’identification des possibles unités d’habitation, compromise. Quelques sites exceptionnels échappent à la règle et offrent la possibilité d’une approche palethnographique novatrice : les gisements voisins de Choisey et de Ruffey-sur-Seille dans le Jura en donnent une parfaite illustration (Séara, 2000). A Choisey, durant le Mésolithique ancien, le territoire domestique est organisé autour d’un foyer extérieur. Celui-ci concentre l’essentiel des activités de taille, qui peuvent apparaître également dans des secteurs marginaux, sous la forme de petits épandages ou de véritables postes de débitage. La distribution de la faune répond aux mêmes principes. Les secteurs d’activité (activités domestiques, de débitage, de façonnage et d’utilisation des outils, de consommation) ne se recoupent pas et montre une spatialisation spécialisée. L’unité d’habitation, qui comprend dans un cas au moins un foyer interne, est trahie par un effet de paroi qui a stoppé l’extension de la nappe de vestiges : elle couvre environ 4m² et correspond probablement à une hutte en matériau périssable. A Ruffey-sur-Seille un autre modèle a été mis en évidence, qui se répète du Mésolithique ancien au Mésolithique récent. Principale différence avec le modèle précédent : les différents secteurs d’activités sont imbriqués et concentrés autour d’un foyer principal. Les éléments encombrants, en particulier les nucleus en fin d’exploitation et les pierres brûlées, sont repoussés à la périphérie du territoire domestique. Dans le bassin parisien, un probable fond de hutte, de forme ovale et couvrant environ 12 m², a été signalé sur le site de Sonchamp III ; dans le Castelnovien de Montclus, un « fond de cabane » ovale s’étalait sur une dizaine de m². Au Mannlefelsen, un ensemble de trou de piquets et de pierres, formant un arc de cercle étiré délimitant une zone ovale de 6 m², suggère une possible structure appuyée contre la paroi.

 

Le site de « La Presle » à Lhéry est un vaste atelier de taille (Séara, 2003) occupé à plusieurs reprises à la fin du Mésolithique. Il se caractérise par la présence de plusieurs amas de débitage (au moins une dizaine) et par l’absence de toute structure se rapportant à une quelconque autre activité domestique. La matière première se présente sous la forme de grandes dalles de silex pesant plusieurs kilogrammes, ramenées sur le site depuis des affleurements distants de quelques centaines de mètres et débitées sur place pour obtenir des lamelles ou de courtes lames régulières. Celles-ci étaient ensuite transformées en armature, comme en témoignent de très nombreux microburins, ou emportées ailleurs. Le gisement de Camp Jouanet, qui servait de lieu d’approvisionnement en silex et où aucune structure domestique n’a pu être reconnue, pourrait correspondre au même type d’occupation très spécialisée. Le site d’Auderville offre quant à lui une image plus complexe : un habitat, qui a livré les restes possibles d’une hutte avec deux foyers, domine du haut d’une falaise l’unique gisement de grès rouge du Nord-Cotentin, d’où proviennent plus de 600 galets retrouvés à la fouille.